Conférence plénière : rencontre avec Matthieu Tordeur, aventurier

Conférence plénière : rencontre avec Matthieu Tordeur, aventurier

A l’occasion de la conférence plénière des Assises de la sécurité et des systèmes d’information à Monaco en octobre dernier, Matthieu Tordeur est intervenu. Le jeune explorateur de 27 ans, membre de la Société des explorateurs français (SEF), revient sur son périple de 51 jours en Antarctique, entre novembre 2018 et janvier 2019.

Pendant dix ans, Matthieu Tordeur a parcouru plus de 90 pays à vélo, en 4L, à pied, en skis, en kayak ou en auto-stop. Il est tombé dans la marmite de l’exploration entre ses études à Sciences Po et son Master en sécurité internationale ; les étés tout d’abord, puis rapidement en tant que professionnel avec des partenaires.

« Spécialiste de rien »

Formé sur le climat, le terrorisme ou la géographie, Matthieu Tordeur explore des contrées reculées avec différents moyens, parfois pour se rendre d’un point A à un point B, plus souvent avec un objectif précis, comme parcourir le désert du Sahara à pied ou à vélo électrique. Suivant le contour d’une montagne ou d’un fleuve, le jeune explorateur peut choisir d’aller à la rencontre des autres, comme ce fut le cas lors de son tour du monde, en binôme, en 4L.

Pour se rendre utile, doté de fonds issus de partenaires bancaires ou de l’assurance, il est parti à la découverte d’une cinquantaine de micro-entrepreneurs dans le monde pour les soutenir financièrement. En tout, 150 entrepreneurs ont été accompagnés. Cette expérience, qui a duré un an, a fait l’objet d’un livre et d’un film.

Pour choisir son mode de transport après avoir défini la destination, Matthieu Tordeur examine les caractéristiques géographiques de son parcours par mesure de sécurité. Les skis sont donc privilégiés pour les zones polaires.

La nouveauté peut aussi être un argument. Matthieu a ainsi remonté la Seine en kayak. Le vélo est le mode de transport le plus propice à la rencontre. « Le vélo est un instrument humble. En un coup de frein, on peut parler à quelqu’un », explique le jeune homme.

La préparation du périple en Antarctique et la prévention des obstacles possibles

Matthieu, admirateur des explorateurs historiques du pôle sud, a grandi avec le rêve de parcourir un jour l’Antarctique. Concrètement, la préparation a duré entre quatre et cinq ans. Une période de prévention essentielle pour assurer sa sécurité. Elle comportait un entraînement en traîneau en milieu polaire, par quatre fois, ainsi que des montages de tentes par grand vent et avec des moufles.

Parrainé par l’explorateur Jean-Louis Etienne, Matthieu Tordeur a trouvé des ressources à la SEF, puisque TripAdvisor ou le guide du Routard ne référencent pas le pôle sud ! Des défis sportifs ont aussi émaillé sa préparation : un marathon des sables et un iron man, par exemple.

Le risque comme stimulant

Comment s’estimer prêt pour une telle expédition et être sûr de sa sécurité ? Comment anticiper et prévenir les risques inhérents à ce type d’opération ? « On n’est jamais 100% prêt », analyse Matthieu Tordeur. Le risque est présent, mais il peut être mitigé. C’est la notion de risque acceptable : on tolère certains risques, on en refuse d’autres pour assurer sa sécurité.

La préparation matérielle diminue le risque. Alimentation et équipement sont testés dans des conditions polaires, et tout l’équipement doit avoir une double utilité. Les processus de sécurité sont maîtrisés. S’ajoute à tout cela une absence de hasard : par exemple, la route empruntée a déjà été explorée et les champs de crevasses ont été géolocalisés. Ces mises en place participent du processus de réassurance.

Même l’aventure peut être couverte par une assurance

Pour Matthieu Tordeur, il est facile de signer un contrat d’assurance. En effet, en Antarctique, une équipe scientifique est installée trois mois par an. Ce groupe assume le risque et prend les moyens de sécurité nécessaires pour limiter les accidents, en traçant par exemple l’explorateur.

Ce dernier dispose également de deux téléphones satellites, en plus de sa GoPro, d’une boussole et d’un GPS. Malgré son caractère aventurier, la protection contractuelle est possible pour un tel événement.

En outre, la sécurité géopolitique est réelle. « Le passeport français est une chance, obtenir un visa ne pose pas trop de problèmes », détaille Matthieu Tordeur. « Le monde semble également plus bienveillant que ce qu’en disent les informations », ajoute-t-il. Même se rendre dans une zone peu touristique est envisageable, les habitants sont heureux de rencontrer des voyageurs. Seule limite que s’impose Matthieu, les zones de conflits, sinon celles où la maîtrise technique sera absente.

Préparation mentale pour résister aux imprévus

Ce type de projet demande « 30% de jambes et 70% de dimension mentale », analyse Matthieu Tordeur. Dans l’Antarctique, une chaleur anormale dans la zone ouest a apporté de l’humidité et de la neige molle sur trente ou quarante centimètres. Cela rend difficile la circulation en traîneau et peut compromettre la sécurité du conducteur. Il a fallu s’adapter et Matthieu Tordeur estime avoir relevé le défi. Il fait partie des deux explorateurs sur sept qui sont arrivés au bout de l’expédition.

Si tous avaient les capacités physiques pour accomplir le parcours, seuls deux ont pu remporter la victoire mentale. Matthieu Tordeur raconte qu’il a préféré cumuler de petites victoires, heure par heure, sans penser à l’objectif final, pour continuer à avancer, par petites sessions en skis. Pour lui, il importe de ne pas penser à ce qu’on ne peut contrôler (la neige molle qui embourbe par exemple). Il faut se concentrer sur son action.

Se préparer à la solitude

Fasciné par cette zone du globe, Matthieu Tordeur considère que cette région est encore jeune en termes de travaux d’exploration. Pour lui, l’Antarctique exerce une véritable attraction. Sans être un solitaire, Matthieu Tordeur voulait faire l’expérience de la solitude à un moment-charnière de son existence, découvrir « le luxe d’avoir 50 jours à moi sans notification, sans téléphone, sans engagement et sans rendez-vous ». Tout ceci sans rester en permanence dans sa bulle, pour ne pas oublier les contraintes du milieu exploré.

En conclusion de son intervention, Matthieu Tordeur a expliqué que les capacités développées en expédition et les méthodes de préparation sont tout à fait transposables dans le monde de l’entreprise, notamment en matière de sécurité informatique.

Intervenant : Matthieu TORDEUR, SOCIETE DES EXPLORATEURS FRANÇAIS